Avant d’en venir au projet The Hub que vous venez, monsieur le Président, de présenter avec autant de clarté que d’enthousiasme, je voulais vous dire le plaisir que j'ai à faire mon tout premier déplacement officiel ici, en Nouvelle-Aquitaine, à Bordeaux.
Ce choix ne doit bien entendu rien au hasard. Car Bordeaux, vous le savez, est l’un des premiers IIDEX à avoir été sélectionné par le jury au soir de la première vague d’appel à projets.
Ce résultat exceptionnel, vous l’avez atteint en saisissant immédiatement la chance que représentait pour le site la proposition alors faite par le Gouvernement : celle de construire un projet rassemblant les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche bordelais autour d’une stratégie et d’une ambition commune en matière de recherche, d’enseignement supérieur et d’innovation.
Ce projet, vous avez su le construire ensemble, en ne vous interdisant rien. C’est ce qui a tout naturellement conduit universités et écoles à travailler étroitement ensemble – je salue d’ailleurs Francois Cansell, Président de la C.D.E.F.I. et Directeur général de Bordeaux I.N.P.. C’est ce qui a tout naturellement conduit le C.N.R.S. et l’Inserm, dont je salue les présidents qui m’ont fait l’amitié de m’accompagner aujourd’hui, à rejoindre dès l’origine les acteurs universitaires bordelais pour asseoir avec eux cet Idex sur la base d’une ambition partagée.
Et cela aussi mérite d’être souligné : il arrive que l’on s’interroge sur la possibilité d’articuler les missions nationales des organismes de recherche et la structuration des sites universitaires qui, par définition, s’ancrent dans un territoire. Mais il s’agit d’un faux dilemme : chaque fois qu’un projet scientifique et universitaire ambitieux a vu le jour, les organismes ont répondu présent et sont ainsi devenus des acteurs résolus de la politique de site.
C’est ce projet, riche de bien des promesses, qui a immédiatement séduit le jury. Permettez-moi d’y insister un instant, car c’est essentiel : les Idex sont d’abord des projets de recherche, de formation et d’innovation et non des structures. Les questions de gouvernance sont importantes, mais elles ne sont là que pour garantir que le projet sera mis en œuvre efficacement par les acteurs qui l’ont rédigé.
Et ces promesses que vous vous étiez faites ont été tenues, ce qui vous a conduit à devenir, aux côtés de Strasbourg et Marseille, l’un des trois premiers Idex confirmés. Ce succès est tout simplement remarquable et je tenais à le saluer.
Il témoigne en effet parfaitement de la profondeur du mouvement qui parcourt désormais notre enseignement supérieur et notre recherche. Touche à touche, la succession des programmes Labex, Equipex, I.H.U. ou bien encore SATT, pour ne citer qu’eux, a fait évoluer en profondeur notre manière de structurer et de faire vivre la recherche et la formation dans nos établissements.
La succession de ces appels à projets a parfois été difficile, en conduisant les équipes des établissements à se mobiliser sur une succession de nouveaux projets. J’en suis consciente. Je serai très attentive à réduire le nombre de sollicitations et de nouvelles structures.
Mais il n’en reste pas moins que le visage de l’enseignement supérieur et de la recherche a profondément changé en l’espace de quelques années. Cela, c’est vous, mesdames et messieurs, qui l’avez rendu possible et je tenais, très simplement, mais très sincèrement, à vous en remercier.
Et c’est pourquoi, mesdames et messieurs, ma première tâche comme ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation est de faire évoluer les discours tenus sur nos universités, nos écoles et nos organismes, pour tenir compte de l’ampleur de la révolution tranquille dont vous avez été les acteurs.
Car ce que l’on présente parfois comme les faiblesses ou les problèmes propres à un certain modèle français, vous les avez d’ores et déjà surmontés dans les faits. Et c’est pourquoi il est grand temps de cesser de remâcher les mêmes sujets de la même manière, comme si nos universités et nos organismes n’avaient pas profondément évolué en l’espace de dix ans.
Je pense à la question de la taille et de la visibilité des universités françaises, que vous avez su résoudre avec efficacité et simplicité, en donnant tout à la fois naissance à l’université de Bordeaux, qui rassemble les forces de trois établissements et en construisant un vrai collectif où se retrouvent les organismes et les autres établissements universitaires pour être acteurs du projet de site.
Je pense à la question de la séparation entre recherche et formation, que vous avez su surmonter aisément, non seulement en faisant du C.N.R.S. et de l’Inserm des acteurs à part entière de votre projet de site, mais également en construisant des initiatives articulant de manière forte ces deux dimensions.
Je pense enfin au fossé qui est supposé exister entre les académiques français et le monde économique. Ce fossé a existé, mais vous l’avez comblé depuis longtemps déjà, en lien étroit avec une région dont le président, Alain Rousset, a été, nous le savons tous, l’un des tout premiers en France à agir pour construire un lien direct étroit entre la recherche et les entreprises en Aquitaine.
Au cœur de l’Idex, vous avez placé, depuis le début, le souci de construire une université qui irrigue son territoire et qui devient l’un des moteurs de la croissance. Là aussi, vous avez su tirer le plein parti de toutes les initiatives et mon collègue Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat au Numérique, me disait il y a peu de temps encore tout le potentiel du projet labellisé PEPITE ECA, qui a permis de faire progresser fortement le nombre d’étudiants entrepreneurs – ils étaient un peu plus de 600 en 2014, ils sont désormais un peu moins de 2600. Ce beau succès, il nous faut bien entendu le préserver et lui permettre de se poursuivre.
C’est pourquoi j’invite tous ceux qui s’interrogent parfois sur le lien existant entre nos universités et nos entreprises à venir constater d’eux-mêmes, dans nos laboratoires et dans nos amphithéâtres, que les choses ont bel et bien changé. Ici, à Bordeaux, ils verraient aussi bien des étudiants entrepreneurs que des chercheurs académiques travaillant dans des laboratoires communs avec des entreprises, comme le C.N.R.S. et Solvay le font, avec l’université de Bordeaux, au sein du laboratoire du futur qui est l’un des modèles du genre.
Ils verraient, comme j'ai pu le constater ce matin à l'Institut de maintenance aéronautique, que les universités et les entreprises peuvent travailler ensemble main dans la main pour répondre aux besoins des entreprises du territoire, tout en veillant à donner aux étudiants une formation forte et reconnue, garante non seulement d’une bonne insertion, mais aussi de vraies perspectives professionnelles.
Ils verraient également les liens extrêmement forts qui se sont construits entre les installations laser du territoire aquitain et les entreprises de ce même territoire, comme Amplitude, ou nos champions nationaux, comme Thalès.
Et il en va ainsi dans tous les domaines : dans les technologies pour la santé, à travers l’II.H.U. Lyric, ou dans le numérique, grâce à l’action résolue de l’Inria, du CNRS et de tous les acteurs académiques.
Avec le projet The Hub, vous voulez aller encore plus loin, en rendant visible l’ensemble des ressources humaines et intellectuelles qui se rassemblent dans les universités et en vous donnant les moyens de les mettre au service de l’innovation, de toutes les innovations.
Et j’y suis d’autant plus sensible que votre volonté profonde est de redonner aux acteurs académiques la pleine maîtrise de leurs ressources et de leur destin. Trop longtemps, les acteurs de la valorisation et du transfert ont été conçus comme des structures autonomes chargées de faire en lieu et place des académiques et d’en tirer les fruits. Ce faisant, on a conforté l’idée que l’innovation se construisait en dehors de l’université et qu’elle ne faisait pas partie intégrante de sa mission.
C’est cette idée que vous venez démentir de manière éclatante avec ce beau projet qu’est le HUB. Je ne peux qu’y être sensible : car, si le ministère que j’ai désormais l’honneur de diriger est un ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, c’est que cette dernière procède d’abord du progrès du savoir, des sciences et des technologies - et de la diffusion de ce progrès sous toutes ses formes.
Faire progresser nos connaissances et diffuser le plus largement possible ce progrès : c’est la mission propre des universités et de la recherche publique qui sont, depuis bien longtemps déjà, portées par cet esprit d’innovation ouverte qui gagne désormais nos entreprises.
Que vous entendiez aller plus loin encore dans cette mission montre tout simplement que l'université nouvelle assume pleinement ses responsabilités, son génie propre aussi, sur un territoire actif et attractif sur le plan économique, y compris en matière d'innovation.
Cette capacité de rayonnement est collective : lorsque des acteurs ont des choses fortes et motivantes à faire ensemble, ils se fédèrent. Votre intelligence collective, si j'ose dire, a consisté justement à ne pas forcer les uns et les autres à s'associer sans que chaque membre y trouve pleinement son intérêt. Le chemin parcouru est remarquable et c'est, je le disais à l’instant, la gouvernance à la fois forte et collégiale du site qui a achevé de convaincre le jury de confirmer votre trajectoire.
Le résultat en est toute une série d’initiatives originales et séduisantes, dans lesquelles j’ai le privilège de me plonger aujourd’hui, que ce soit au sein du campus de santé, pour lequel se sont mobilisées les collectivités, l'Etat à travers l'opération Campus, ou bien encore du Neurocampus et du centre Magendie, qui a su lui aussi agréger les forces, avec des associations puissantes, une priorité donnée aux laboratoires et plateformes collaboratives ouvertes aux entreprises, un plateau pour la formation par la recherche, le tout porté par un choix clair et assumé avec, au final, un bel équilibre entre science, formation et innovation.
Ces initiatives bénéficient à nos chercheurs, à nos entreprises, mais aussi à nos étudiants. Car ils sont au cœur de la révolution tranquille qui est à l’œuvre dans nos universités. Et ils doivent toujours être au cœur de nos réflexions et de notre action.
Et si je parle de nos réflexions et de notre action, ce n’est pas par effet de style. C’est que je ne crois pas aux stratégies descendantes quand il est question d’universités, de recherche et de formation. Elles sont vouées à l’échec car contraires à l’esprit académique, qui repose sur la conviction, le dialogue et la convergence autour d’objectifs communs.
C’est pourquoi je crois au contraire à l’intelligence et à la responsabilisation des acteurs. Je crois à l’expérimentation. Je crois à l’autonomie. Je suis là pour vous aider à construire et à développer une grande Université pluridisciplinaire de recherche au service des étudiants, des entreprises, de la société dans son ensemble.
Je suis là pour appuyer les initiatives et leur permettre de se déployer dans l’intérêt de tous : mon rôle de ministre, ce n’est pas de censurer, de contrôler ou de cadrer. C’est d’offrir des points d’appui à l’autonomie et d’être la garante, aux yeux de la communauté nationale, de la qualité du travail que nous faisons ensemble.
A nous donc de réfléchir ensemble sur l’environnement qui peut et doit être offert aux étudiants, par exemple en ouvrant grandes les portes des bibliothèques universitaires à tous ceux qui n’ont pas la possibilité d’étudier chez eux dans de bonnes conditions. Ce sujet, vous le savez, est particulièrement cher au Président de la République et je souhaite que nous puissions très rapidement progresser encore dans ce domaine.
Et à nous d’agir, par exemple en matière de santé – et je veux saluer les avancées importantes que le centre de santé créé ici a permis en matière de prise en charge des étudiants. Vous menez en effet ici une étude particulièrement remarquable, que je tenais à saluer.
Agir, c’est bien sûr d’abord faire en sorte ensemble que les formations supérieures soient des passeports pour l’emploi.
Nous pouvons et devons aller plus loin encore. Nous devrons mettre en place ensemble des formations courtes, des formations techniques au plus proche des besoins en qualification des territoires, mais aussi des formations à et par la recherche, parce qu’elles offrent aux étudiants une autonomie et des compétences larges et durables. Et nous devons aussi permettre le retour à l'université après quelques années de travail : c'est dans cette direction, avec tous les établissements supérieurs, universités et écoles que nous devons aller.
Le Président de la République s'est engagé pour un plan de formation professionnalisant court dans le supérieur : nous lancerons ce plan en nous appuyant sur les expériences et avancées qui font déjà leur place et tous les établissements seront libres d'en imaginer les modalités, en fonction des besoins de leurs territoires, de leurs projets.
Enfin, nous devrons travailler ensemble sur la question de l’entrepreneuriat étudiant. Nous avons progressé sur la création d’entreprises par les universitaires, les chercheurs, les ingénieurs. Il reste encore des verrous techniques. Le rapport remis par Jean-Luc Beylat et Pierre Tambourin à Thierry Mandon en a identifié un certain nombre. Nous ferons le nécessaire pour les lever.
Mais je souhaite que nous allions plus loin encore en ayant demain à Bordeaux, comme à Stanford ou au M.I.T., au Technion ou à l’EPFL, des étudiants entrepreneurs qui portent dans la société les créations, les technologies et les travaux de nos laboratoires.
Tout cela ne fait que conforter le projet présidentiel du "contrat réussite étudiant" qui doit être au fondement du nouveau contrat que l'enseignement supérieur doit nouer avec la Nation.
Qui dit contrat dit engagements des deux côtés, des règles claires et un vrai principe de confiance. Tout lycéen doit pouvoir connaître précisément les acquis qui sont indispensables pour suivre la formation à laquelle il aspire dans le supérieur ; il doit le savoir tôt, dès les premières années du lycée, afin de pouvoir construire son parcours en fonction de son projet professionnel et des aspirations ; et tout au long de ses études, il doit pouvoir échanger avec le corps enseignant et avec les services d’orientation pour affiner son projet ou le faire évoluer au vu de sa progression et de ses résultats.
Cette orientation active, réfléchie, co-construite, est notre priorité absolue. Nous la devons à nos lycéens et à nos étudiants. En lien avec Jean-Michel Blanquer, nous y travaillons d’ores et déjà, afin de pouvoir faire rapidement des propositions concrètes.
Mais, je le répète, cette orientation active ne portera pleinement ses fruits que lorsqu'une offre de formation diversifiée et adaptée, le droit à la reprise d’étude, la formation courte professionnalisante et la formation tout au long de la vie seront pleinement effectifs. L'Etat prendra sa part - et fera pleinement confiance aux établissements pour relever ces défis.
A ce stade, je souhaite dire un mot de l’état d’esprit qui m’anime s’agissant des débats en cours autour du tirage au sort dans certaines disciplines. Nous sommes tous unanimes sur le sujet : il n’est ni efficace ni juste. Je veux l’affirmer ici : je ne serai pas la ministre qui pérennisera le tirage au sort. J’ai échangé, ces derniers jours, avec la totalité des organisations étudiantes et les établissements et nous avons convenu de travailler dès l’automne en vue de la rentrée 2018 pour supprimer les conditions du tirage au sort. S’agissant de la rentrée 2017, et au regard des procédures en cours, supprimer le tirage au sort sans avoir de solution de remplacement rendrait le remède pire que le mal. Mais nous avons la capacité de réduire sa place : c’est pourquoi, en lien étroit avec les présidents d’universités, avec les rectorats et avec les services centraux du ministère, nous allons travailler pour réduire, partout où c’est possible, l’écart entre le nombre de candidatures et le nombre de places. Nous ne pourrons pas nous passer de classement aléatoire toujours et partout en 2017, mais nous aurons d’ores et déjà commencé à basculer vers un autre régime.
Vous l’aurez compris, mesdames et messieurs, l’esprit qui m’anime est simple : je crois aux solutions concrètes, je crois au pragmatisme et à l’initiative, car il n’est pas de difficulté dont ils ne puissent venir à bout. L’éclatant succès de l’université de Bordeaux en est la meilleure preuve.
Je vous remercie.
Publié le 29.06.2017
Lancement du projet The Hub à Bordeaux
En déplacement à Bordeaux lundi 29 mai 2017, Frédérique Vidal s'est exprimée lors de la présentation du projet innovant The Hub de l'université de Bordeaux.